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tuellement dans l’être pur comme dans l’étendue pure de l’incomplet, puisque l’étendue et l’être se poursuivent en quelque sorte à l’infini sans se saisir, puisqu’ils ne peuvent jamais consommer leur existence faute d’un centre où tout se ramène. Il y a donc dans l’être considéré comme puissance pure et dans l’étendue un manque essentiel ; mais en même temps, par l’homogénéité et la continuité de l’étendue et de l’être, une communication incessante est possible entre toutes les parties ; précisément parce qu’aucune partie de l’étendue et de l’être n’est essentiellement et définitivement un centre, parce que tous les points peuvent le devenir, un effort incessant est possible vers une unité vivante, toujours plus compréhensive et plus souple : de là le mouvement. Le mouvement réalise et manifeste l’essence intime de l’étendue ; qu’est-ce, en effet, que la continuité par laquelle chaque partie de l’étendue va se confondre avec l’étendue voisine qui se prolonge à son tour par l’étendue suivante ? Par la continuité, l’étendue en tous ses points est tout ensemble en soi et hors de soi : n’est-ce pas une première image du mouvement ? Ici et là même suppression des limites, même indifférence aux séparations fictives, même effort d’agrandissement et d’expansion, même répétition d’une partie ou de l’étendue ou du mouvement hors de soi et à l’infini ; on pourrait dire dans la langue d’Aristote : l’étendue est la puissance du mouvement et le mouvement est l’acte de l’étendue. Ce qu’est l’étendue à l’état virtuel et indéterminé, le mouvement l’est à l’état déterminé et précis ; la communication universelle, qui n’était que possible et vague dans l’étendue, devient effective et nette dans le mouvement. L’immensité de l’étendue, qui n’est guère qu’une apparence, puisque