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autre parcelle, aucune portion de l’étendue ne s’absorbe dans aucune autre portion. L’être étant homogène et partout identique à lui-même est continu, c’est-à-dire que, dans une portion d’être, on trouvera toujours de l’être, comme dans un cercle, suivant l’image de Leibniz, on peut toujours inscrire un cercle. De même et pour la même raison l’étendue est continue. L’être continu est idéalement divisible à l’infini de la façon que l’être est divisible, c’est-à-dire en qualités, en déterminations de plus en plus nombreuses et nuancées. L’étendue aussi est idéalement divisible à l’infini : une portion d’être enveloppe une infinité de qualités possibles ; une portion d’étendue enveloppe une infinité de figures possibles. Par là toute portion de l’être et de l’étendue est à la fois infinie et finie : finie, parce qu’elle n’est pas tout l’être ou toute l’étendue ; infinie, parce qu’elle est la pure et pleine essence de l’étendue et de l’être, parce qu’elle peut réaliser dans ses limites la variété illimitée des formes et des qualités et refléter l’univers ou mathématique ou vivant. L’être, considéré comme puissance et à l’état d’indétermination, est comme étranger à lui-même ; il n’a point de qualité qui, en le déterminant, lui permette de se saisir. Dans son immensité identique, il n’y a point de centre ; toutes ses parties se valent, aucune n’est subordonnée aux autres, et elles ne sont liées entre elles que par la communauté indifférente de l’être. De même l’étendue pure est tout entière hors d’elle-même ; aucune figuration, aucune forme n’en interrompt la continuité indéfinie, et l’étendue étant continue par essence, chacune de ses parties, s’il est permis d’en imaginer avant toute figure, n’est vraiment ce qu’elle est qu’à condition de se perdre sans fin dans les étendues voisines. Il y a donc perpé-