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et riche, les aspirations infinies de l’être infini ; mais alors elle en serait l’expression, elle en serait la réalisation première, c’est-à-dire que c’est l’être infini qui serait vraiment la base et la substance du monde matériel. Donc, celui-ci a vraiment sa racine et son être même dans l’être infini ; et les mouvements de l’univers, que nous disions tout d’abord être des mouvements de la matière, sont, en réalité, des mouvements de l’être infini et immatériel, c’est-à-dire des relations définies entre les diverses puissances que contient l’être infini, des communications réglées et intelligibles de l’être à l’être, des moyens dans une œuvre immense et divine d’harmonie et d’unité. Dès lors il ne faut pas dire : Quel rapport y a-t-il entre telle ou telle sensation, et tel ou tel mouvement ? Car il se peut que cet ordre de mouvements et l’ordre de sensations qui lui correspond soient la même fonction de l’être infini, vue sous deux aspects différents ; il se peut, par conséquent, que la sensation et le mouvement se rejoignent et se pénètrent dans l’être même qu’ils expriment. Il suffira, pour cela, que le mouvement et la sensation ne soient point des faits bruts, irréductibles à toute pensée, et qui s’opposent ainsi grossièrement, fatalement l’un à l’autre. Or, comment le mouvement, ayant pour substance et pour fond l’être infini, objet suprême de la pensée, serait-il un fait brut et impénétrable à la pensée ? Le mouvement n’est pas une chose : nous ne le saisissons jamais en lui-même ; nous ne percevons que des choses ou des phénomènes en mouvement. Il est vrai que ces choses, à leur tour, comme nous l’avons vu, se décomposent en mouvements, et qu’il ne subsiste plus ainsi dans l’univers proprement naturel, si l’on oublie un instant l’être infini qui le pénètre et le soutient, que des mouvements