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vers les fondements, nous ne trouvons point une assiette fixe : les pierres que l’on croyait fondamentales entrent en mouvement ; elles entrent en danse, et c’est sur des tourbillons subtils que repose jusqu’ici l’édifice solide du monde. Mais, descendons plus bas encore, et au-dessous même de l’atome ; l’atome, dit-on, est un tourbillon d’éther ; c’est donc l’éther qui va être la matière première, le substratum définitif de tous les mouvements ; soit, mais l’éther lui-même, dans son apparence d’immuable sérénité, est traversé de mouvements innombrables ; tous les rayonnements de lumière et de chaleur, tous les courants et tous les jets d’électricité et de magnétisme, tous les mouvements qui correspondent dans les corps aux phénomènes de la pesanteur, et dans les composés chimiques aux phénomènes de l’affinité, émeuvent incessamment l’éther, et appuyer le monde sur l’éther, c’est l’appuyer sur une mer de mouvements immenses et aux vagues toujours remuées. Il faut bien pourtant que les mouvements de l’univers soient les mouvements de quelque chose ; il faut bien qu’il y ait une réalité en mouvement, une substance du mouvement.

Je ne sais pas où il faut s’arrêter ; je ne sais pas s’il faut s’arrêter à l’éther ou descendre encore ; mais deux hypothèses seulement sont possibles ; ou bien nous devons descendre à l’infini sans jamais trouver dans une réalité immuable la base saisissable du mouvement universel. Mais alors, c’est que cette réalité immuable est présente à tous les degrés du mouvement. Or, que peut bien être cette réalité, partout présente, partout semblable à elle-même sous la diversité innombrable des mouvements, et immuable en son fond sous l’universelle mobilité ? Que peut-elle être sinon l’Être infini que la