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CHAPITRE III

du mouvement


Nous voici donc amenés à cette question fondamentale ; qu’est-ce que le mouvement ? L’analyse de l’idée du mouvement nous montrera que la science en réduisant la réalité universelle, telle qu’elle l’étudie, à des mouvements, a confirmé, bien loin de l’ébranler, la vérité des sensations humaines. En effet, elle fait disparaître par là même la matérialité de l’univers ; l’univers physique ramené au mouvement devient immatériel et idéal. Quand il y a mouvement, nous sommes invinciblement amenés à dire que quelque chose se meut. Nous ne concevons pas le mouvement sans une substance qui lui serve de support. Or, quelle peut bien être cette chose, cette substance ? A première vue nous sommes tentés de répondre : c’est la matière. Quand il y a mouvement, il y a un corps, une portion de matière, qui se meut, et nous disons volontiers sans y trop réfléchir : « Le mouvement est une propriété de la matière. » Mais qu’est-ce que cela veut dire pour la science d’abord, pour la pensée pure ensuite ? Voici une pierre qui tombe ou qui roule ; nous disons que cette pierre se meut, et que ce mouvement a pour siège, pour support, pour substance cette pierre. Oui, mais qu’est-ce,