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cilierait. Dérivant l’espace de l’être, elle expliquerait dans quel sens l’espace est réel, et elle mettrait dans une telle lumière les rapports essentiels de la conscience et de l’être, qu’aucune ambiguïté subjectiviste ne subsisterait plus ; mais les objections de l’idéalisme subjectif ne nous surprennent pas toujours en pleine activité métaphysique ; elles viennent nous troubler à l’improviste, si je puis dire, dans le mouvement ordinaire de nos pensées. De plus, il est peut-être au-dessus de nos forces de construire incessamment l’univers pour le défendre. Enfin la philosophie française a débuté ou du moins semble avoir débuté avec Descartes par un acte de subjectivisme ; la conscience du philosophe s’est tout d’abord repliée en elle-même, en supposant un moment la vanité de tout le reste. Il est donc bon et conforme à notre tradition philosophique de se placer au centre même des objections du subjectivisme, au lieu de les éluder par un mouvement supérieur. Mais puisque l’analyse même de la notion de réalité nous a acheminés insensiblement au problème de l’être, nous savons fort bien dès maintenant que nous n’échapperons aux objections captieuses du subjectivisme qu’en nous frayant un chemin vers les sommets de l’être. Voilà pourquoi nous avons voulu gravir tout d’abord les hauteurs d’où le monde apparaît réel et intelligible. Nous ne nous débattrons pas au hasard et sans but contre les subtilités subjectivistes ; c’est vers ces hauteurs métaphysiques que nous nous efforcerons. Et si en discutant directement les thèses du subjectivisme et en y découvrant d’intimes contradictions, nous sommes ramenés vers l’être, nous pourrons enfin jouir tranquillement de la réalité de l’univers, car bien loin de nous troubler dans la possession de la réalité, les objections