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avant la formation du système nerveux et surtout du système cérébral ; la conscience, dans le développement de la vie, a donc précédé le cerveau. Et l’on peut dire, en appliquant la formule de Lamark : « Le besoin crée l’organe, » que c’est le besoin inhérent à la conscience, d’être de plus en plus lumineuse et vaste, qui a façonné et développé l’organisme cérébral. Ainsi, non seulement nous avons vu le moi individuel dépasser l’organisme étroit auquel il semble lié, et aspirer à une liberté sublime où il n’aurait plus d’autre centre et d’autre organisme que l’infini lui-même ; non seulement nous avons démêlé dans le moi individuel la conscience absolue ; non seulement nous avons vu que cette conscience absolue était, dans son essence, indépendante de l’organe cérébral, mais il nous apparaît maintenant que c’est elle qui le façonne à son usage et qui le crée. On voit donc combien il serait puéril d’imaginer que la réalité du monde repose sur notre moi individuel et sur notre cerveau fragile. Nous sommes arrivés au point où se rencontrent et se confondent, pour démontrer et garantir la réalité absolue de l’univers, les deux vérités que nous avons essayé de mettre en lumière. D’une part, les sensations ne sont pas des faits dépourvus de signification et, par suite, de réalité. Elles ont une essence, un sens ; elles expriment une idée ; elles enveloppent une vérité, et, par suite, elles peuvent faire partie d’un système de vérités éternellement subsistant. La lumière n’est pas une création illusoire de notre sensibilité. Elle exprime l’unité de l’être, son amitié avec lui-même et avec les formes qui se développent en lui. Elle atteste que l’être, en tant que tel, est capable de se saisir et de se posséder lui-même dans une transparence infinie. Elle atteste donc que l’être