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mettre en rapport les unes avec les autres, selon des lois de contiguïté, de similarité et de contraste, et fournir ainsi des matériaux bien préparés à l’action souveraine de la pensée pure, qui les ordonne selon ces lois d’identité, de causalité, de finalité, qui sont des expressions diverses de l’unité infinie. Sans doute, il doit y avoir, dans le cerveau même, des mouvements qui correspondent à l’activité de la pensée pure ; mais ces mouvements, parce qu’ils s’accomplissent dans le cerveau, ne font pas pour cela nécessairement partie du cerveau ; car partout où il y a des forces organisées et unes, c’est-à-dire dans toute l’étendue de l’univers, il y a de la conscience, de l’être, une continuité d’être qui fonde la causalité, et une aspiration vers l’unité idéale qui fonde la finalité. Ainsi, les mouvements auxquels correspondent l’être, l’unité, la conscience, la cause, la fin, bien loin d’être le monopole de la combinaison cérébrale, sont le fond de l’univers illimité. Si le cerveau possède ces mouvements, c’est qu’il fait partie de l’univers. Ce n’est donc pas comme organe spécial qu’il les possède, mais comme partie de l’être immense et un. Il se peut parfaitement que ces mouvements, que j’appellerai volontiers universels, soient, dans le cerveau, en relation spéciale et familière avec les mouvements proprement organiques qui correspondent à la sensation, à l’imagination, à l’association des idées. Mais il n’en dépendent pas : ils ne dépendent que de l’infini lui-même dont ils sont, dans l’ordre mécanique, l’expression souveraine. Quand on dit que le cerveau produit la pensée, cela est vrai en un sens limité ; mais il faut dire aussi, en un sens plus profond, que c’est la pensée qui a produit le cerveau. Certainement, il y avait, dans le monde, de la sensibilité, de l’appétition