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-t-elle le cerveau lui-même ? Est-elle indépendante de tout organe ? J’entends, par conscience absolue, cette unité synthétique primitive qui permet à l’être de dire moi, quelle que soit la pauvreté ou l’incohérence des éléments empiriques de son moi. Toute force organisée et formant un système un, si elle se réfléchit sur elle-même, peut dire moi. J’appelle conscience absolue la force d’unité omniprésente, à laquelle toutes les consciences individuelles participent nécessairement quand elles disent moi. Cette unité préalable qui constitue la conscience absolue n’est pas une unité morte, une synthèse inerte. Elle aspire à régler tous les éléments de la réalité et à les ordonner selon des lois d’unité qui sont, dans l’ordre intellectuel, la loi de causalité et de finalité, et, dans l’ordre moral, la loi de justice et de charité. Et ce que nous demandons maintenant, c’est si la conscience absolue, ainsi définie, est liée à un organe. Aristote et saint Thomas répondent non : la pensée pure, la partie intellective de l’âme n’ont pas d’organe. Nous répondons non avec eux. Mais entendons-nous bien. Nous ne prétendons pas qu’il puisse y avoir un seul acte dans le monde, même l’acte de conscience, une seule notion, même la notion de l’être et de l’infini, qui ne corresponde à un mouvement. Nous avons tenté de le démontrer quand nous traitions du mouvement. Mais on ne peut pas dire que l’idée d’être, par exemple, même nécessairement liée à un mouvement, dépende d’un organe et de l’organe même où s’accomplit ce mouvement, si ce mouvement est beaucoup plus profond, beaucoup plus universel que cet organe. Voilà le cerveau, par exemple, qui est merveilleusement aménagé pour recevoir des sensations, les conserver, les élaborer, les transformer en images, les