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moi inconnu qui peut exercer une action directe sur la matière, soulever par une volonté énergique un corps étranger comme s’il était son propre corps, percer du regard l’opacité d’un obstacle et recueillir à distance à travers l’espace la pensée inexprimée d’un autre moi. On peut se demander s’il n’y a pas là les éléments encore obscurs d’un nouveau progrès de la conscience et de la vie sur notre planète ; pourquoi l’évolution serait-elle arrivée dans l’homme actuel et normal à son dernier terme ? Il suffirait à l’homme d’incorporer à son être normal les puissances prodigieuses que l’hypnotisme met à découvert pour devenir un être nouveau. Il faudrait qu’il acquît l’action magnétique sur les objets extérieurs, la pénétration extraordinaire du regard et la perception immédiate de la pensée par la pensée, sans perdre la possession de lui-même, et cette continuité des souvenirs qui soutient l’individualité. Il faudrait qu’au lieu de porter en lui deux personnes, l’une, la personne normale, l’autre, la personne anormale que l’hypnotisme développe, il fondît ces deux personnes en une seule, réunissant leurs puissances diverses. Peut-être la pratique universelle et réglée de l’hypnotisme, l’alternance méthodique de l’état normal et de l’état hypnotique, l’habitude et l’hérédité, amèneront-elle cette fusion, et la création d’une humanité nouvelle. En vain opposera-t-on que ces puissances nouvelles que l’homme normal doit s’assimiler ne se manifestent que dans un état de crise, de souffrance ou de malaise, et qu’ainsi elles répugneront toujours à l’équilibre de l’être sain. Mais le malaise vient justement de ce qu’il n’y a pas encore dans l’être humain coordination et fusion de l’état actuel et des puissances nouvelles. Qui nous dit que dans l’immense évolution qui a porté la