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nisme. S’il n’y avait pas ce sentiment d’activité cérébrale que nous avons essayé d’analyser, la sensation de lumière ne serait rattachée en rien à un organisme particulier. Le rayon lumineux est propagé jusqu’au cerveau, et là il produit un ébranlement qui n’est autre chose que le rayon lui-même. Ainsi, quand nous percevons la lumière, on peut dire qu’il y a en nous une pure conscience de la lumière, indépendante de tout organisme et de notre organisme. Le cerveau n’étant plus, quand on l’isole de l’organisme, qu’une puissance représentative de l’univers, c’est-à-dire, pour la conscience, l’univers lui-même, on peut dire que c’est l’univers qui a conscience de la lumière qui est en lui, ou, plus simplement, que c’est la lumière qui prend conscience d’elle-même. Sans doute, par le sentiment de l’activité cérébrale, l’univers se trouve rattaché à notre organisme individuel, et la lumière à notre conscience individuelle. Mais ici, l’univers a beaucoup plus de valeur que l’organisme, et la lumière impersonnelle plus de valeur que notre moi individuel. S’il est excessif de dire que la lumière a conscience d’elle-même sans nous, il est peut-être aussi excessif de dire que nous avons conscience de la lumière. La vérité est que la lumière a, en nous, conscience d’elle-même ; et nous ne sommes guère qu’un prétexte, à la conscience absolue, de saisir, en un centre de conscience précis, l’idéale réalité de la lumière éternelle. Ce qui montre bien qu’ici les limites du moi individuel s’élargissent et s’effacent presque jusqu’à se confondre avec la conscience absolue, c’est que, dans la perception de la lumière, les limites du cerveau s’élargissent et s’effacent jusqu’à se confondre presque avec l’univers infini. Du moment que le rayon lumineux se propage dans le cerveau par