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pensée ait rapport à la quantité et à l’être indéterminé, c’est-à-dire à l’étendue qui exprime l’être sous l’aspect de la quantité et de l’indétermination. Nous comprenons dès lors qu’elle puisse être sans scandale localisée par la conscience en un point de l’étendue. De plus, tout acte précis de pensée enveloppe des pensées moins déterminées, des pensées à peine ébauchées, qui n’arriveront que par un effort nouveau à la pleine détermination, à la pleine lumière de l’acte. Ces pensées encore vagues et à peine commencées ne sont pas tout à fait pour la conscience des pensées ; elles ne sont pas tout à fait non plus pour elle des énergies brutes, de simples forces de mouvement. Elles tiennent le milieu entre la pensée et la force et elles servent de lien de l’une à l’autre, si bien que nous pouvons localiser le travail de pensée le plus abstrait dans l’organe même d’où notre volonté ébranle les organes du mouvement. Ainsi, il y a un fond d’énergie plus ou moins déterminé qui rattache la pensée au vouloir ; et comme, dans l’acte de volonté, l’organisme et le moi ne font qu’un, la pensée rattachée au vouloir est par là même étroitement unie à l’organisme. Voilà comment, en tant que je suis un moi individuel, j’ai besoin d’un corps pour penser. Si ma pensée n’avait pas un corps, c’est-à-dire si elle n’était pas liée à certaines forces organisées qui la nourrissent, mais qui ne s’y absorbent pas tout entières, elle n’aurait plus aucune relation avec l’être considéré comme puissance ; elle serait un acte infini, elle serait Dieu, ou plutôt, Dieu serait, mais moi, je ne serais pas. Toute pensée finie est donc nécessairement unie à un corps ; et il n’y a pas de conscience individuelle distincte de Dieu, sans organisme. Mais en même temps, comme c’est Dieu qui se disperse dans les forces et les con-