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affranchir toutes les consciences qui se meuvent en lui. Dieu est une conscience infinie dont le centre est partout et la circonférence nulle part.

L’insuccès de tous les penseurs qui ont prétendu étudier d’abord le moi sans Dieu ou avant Dieu, et la grossièreté des superstitieux qui font de Dieu je ne sais quel objet matériel et fini, extérieur à la conscience et étranger à l’activité du moi, nous avertissent de ne point séparer le moi et Dieu ; et puisque Dieu s’exprime et se manifeste dans le monde, dans l’espace, dans le mouvement, dans la sensation, il nous faut aussi, pour comprendre la conscience, accepter le monde, expression de Dieu. Nous ne choisissons donc pas, pour notre recherche, un point de vue arbitraire et abstrait : nous accueillons d’emblée la réalité tout entière, et c’est en pleine réalité que nous allons étudier le moi de l’homme s’élevant et s’élargissant par degrés jusqu’aux limites de la conscience absolue.

Notre moi est tout d’abord circonscrit par notre organisme. Nous avons un corps qui est continuellement présent à notre moi par les sensations obscures de la vie, tandis que les autres corps ne nous sont présents que d’une manière intermittente. Nous remuons notre corps, ou, du moins, certaines parties de notre corps, directement, c’est-à-dire par la seule application interne de notre volonté ; et nous ne pouvons remuer les autres corps qu’au moyen du nôtre, c’est-à-dire qu’entre notre volonté de les mouvoir et leur mouvement, le mouvement d’une masse matérielle intermédiaire vient s’intercaler. Il faut se garder de dire que le corps est l’instrument du moi, car l’instrument est extérieur à la volonté qui s’en sert. Au contraire, le mouvement accompli par notre corps en exécution de notre volonté ne