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vue de la représentation et de l’énergie, et on verra alors que le cerveau, soit comme représentation, soit comme énergie, est contenu dans l’univers. Et c’est en ne supprimant arbitrairement aucun des deux points de vue, que l’on comprendra la seule vérité solide qui subsiste sous la fantaisie de Schopenhauer, à savoir que le cerveau, considéré comme énergie, peut produire l’univers, considéré comme représentation. Il y a de l’énergie partout, hors du cerveau et dans le cerveau. Il y a de l’être partout, hors du cerveau et dans le cerveau. Et c’est parce qu’il y a unité et continuité de l’être, que l’être du cerveau peut accueillir en soi les formes qui déterminent l’être du monde. Si le rayon de lumière, après avoir traversé l’univers, vient ébranler le cerveau, si la lumière se propage du monde au cerveau sans altération essentielle, c’est que l’être du monde ou l’être du cerveau, c’est toujours l’être, et que la lumière est une des formes de l’être. De plus, si l’être du cerveau peut recevoir et reproduire toutes les formes de l’univers, si des milliards d’étoiles peuvent envoyer à notre cerveau les rayons qu’il recueille, c’est parce que, partout où il y a l’être, il y a l’infini. Une partie quelconque de l’être, par cela seul qu’elle est l’être, enveloppe l’infini. Il y a toujours matière en elle pour des formes nouvelles, elle peut donc tirer de soi la représentation d’un univers infini.

Mais cette continuité de l’être du monde et de l’être du cerveau se marque pour nous par la continuité de l’espace, où l’univers comme représentation et le cerveau comme représentation sont liés ; et l’infinité de toutes les parties de l’être se marque, pour nous, d’une manière sensible, par l’infinité de toute partie d’espace qui, étant divisible à l’infini, contient de l’être à l’in-