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est contenu dans le cerveau, cela n’a de sens que si le cerveau est considéré comme une représentation ayant une grandeur commensurable avec celle de l’univers. Or, si on l’entendait ainsi, c’est le cerveau qui serait contenu dans l’univers. Mais si Schopenhauer entend uniquement par le cerveau, comme il doit le faire, la puissance mystérieuse dont l’ébranlement éveille la conscience, alors non plus l’univers n’est pas contenu dans le cerveau, car le cerveau n’a plus de grandeur mesurable ; ou plutôt il n’a d’autre mesure que la grandeur même des représentations que produit sa force secrète. Et comme cette représentation c’est le monde sensible, dire que l’univers représenté est contenu dans le cerveau, c’est dire maintenant que l’univers est contenu dans l’univers. Ainsi, pour créer son paradoxe et le formuler, Schopenhauer a besoin tout à la fois d’oublier que le cerveau est une représentation sensible comme l’univers, et de parler de l’énergie mystérieuse du cerveau comme si elle appartenait à l’ordre de la grandeur au même titre que la représentation sensible du cerveau, arbitrairement oubliée par lui. Il ne lui suffit pas de passer, sophistiquement, quand il va de l’univers au cerveau, d’un point de vue à un autre, du point de vue de la représentation au point de vue de l’énergie. Mais il est obligé encore, parlant du cerveau au seul point de vue de l’énergie, de retenir des expressions qui ne conviennent qu’au point de vue de la représentation. Et pour avoir voulu comparer deux points de vue absolument hétérogènes, il était obligé de les rapprocher par un artifice verbal et de transporter à l’un des métaphores qui n’ont de sens que pour l’autre.

Il faut, pour retrouver la vérité, considérer simultanément et l’univers et le cerveau au double point de