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le contour d’un objet ou l’arête vive qui le termine, il nous semble que la ligne est quelque chose de réel et de palpable ; et en même temps nous savons bien qu’échappant à l’étendue dans le sens de la largeur et de la profondeur, elle ne peut pas être appréhendée par nous ; elle a ainsi une sorte d’être ambigu et irritant entre la réalité physique et l’idéalité mathématique. C’est qu’elle est une détermination, c’est-à-dire une activité idéale et purement intelligible, et qu’en même temps, étant unie dans le sens de la longueur à l’indétermination de la quantité, elle peut envelopper la quantité indéterminée avec sa détermination propre, et créer dans l’espace, sous la forme d’un volume, l’apparence concrète d’un objet sensible. Si l’activité déterminée du mouvement et la ligne qui exprime sa détermination peuvent s’unir ainsi à l’espace, à la quantité pure, à l’indétermination de la puissance et se les approprier graduellement, c’est que, dans l’être absolu, l’acte pénètre éternellement la puissance par cette sorte de génération intérieure que nous avons indiquée plus haut. Il n’y a point, dans l’être absolu, des puissances qui ne soient point pénétrées par l’acte. L’acte infini est adéquat à la puissance infinie qui lui est adéquate. Et voilà pourquoi l’espace, dans son indétermination absolue où se traduit la puissance de l’être, ne peut échapper en aucun sens aux prises du mouvement et de la ligne où se traduit l’activité de l’être.

Quand on s’étonne que l’espace n’ait que trois dimensions on pose par là même en principe qu’il en devrait avoir un nombre illimité ; car on s’étonnerait tout aussi bien de tout autre nombre. Or si l’espace avait un nombre indéterminé de directions, il ne serait jamais possible à la ligne, à la forme, de le déterminer