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non plus, dans la nature du mouvement et de la sensation, qui s’oppose à la pénétration et à l’indépendance de l’être et des consciences particulières ; car le mouvement n’est pas une abstraction mathématique, mais bien une réalité métaphysique pleine d’être, et la sensation n’est pas une abstraction psychologique, mais bien une réalité métaphysique pleine d’être, et du même être que le mouvement. En sorte que le monde de la conscience et le monde extérieur de la science, sans se confondre, puisque la sensation et le mouvement sont deux aspects différents de la réalité, l’une surtout qualitative, l’autre surtout quantitatif, se pénètrent cependant, puisque c’est une même réalité qui se traduit pour la conscience en sensation, et qui est traduite par la science en mouvement. Il n’y a rien non plus, dans la notion d’espace, qui nous condamne au subjectivisme, car l’espace exprime la puissance indéterminée et illimitée de l’être, laquelle suppose l’acte infini de l’être. Et la preuve, c’est que nous ne prenons vraiment possession de l’espace qu’en le parcourant au moins par l’imagination, en le construisant. Et le mouvement étant comme le point de rencontre de l’acte et de la puissance dans l’être, la puissance infinie d’être qu’exprime l’espace est rattachée, par le mouvement, à cette activité infinie et une de l’être, qui est synonyme de conscience absolue et qui déborde, en les produisant, toutes les consciences finies. Ainsi, bien loin d’être nécessairement une forme de nous-mêmes, l’espace nous apparaît comme une manifestation irrésistible de l’absolu supérieur à nous ; et en même temps, comme nous ne le percevons et ne le possédons tout à fait qu’en le créant par le mouvement, c’est-à-dire en participant à l’activité infinie et à la conscience infinie, indépendant