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rieures à moi ne font que multiplier mon ignorance ; et si je sais, pour l’avoir appris en moi, ce que c’est que la conscience, j’irai vers toutes les autres consciences, non pour leur demander leur secret, mais pour leur apporter le mien, qui sera le leur. Ainsi, bien que nous nous soyons d’abord tournés vers le monde extérieur, bien que nous soyons sortis de nous-mêmes pour dire ce qu’était l’être, et le mouvement et la sensation dans son rapport au mouvement et à l’être, nous sommes obligés de rentrer enfin en nous-mêmes. C’est du centre même de notre conscience que nous devons maintenant, après avoir parcouru l’univers, en mesurer la réalité. Ne regrettons pas de nous être portés d’abord vers les choses elles-mêmes, car nous avons dissipé toutes les ombres, tous les sophismes qui nous auraient empêchés d’étudier en lui-même le rapport de l’être et de la conscience. Non, il n’y a rien, dans la nature de l’être, qui répugne à ce qu’une conscience particulière puisse atteindre l’être sans l’absorber, car l’être peut être considéré soit en acte, soit en puissance. Et c’est l’être en acte, dans son infinité une, qui fonde la puissance illimitée et indéterminée de l’être. Si donc des unités secondaires et incomplètes de force ou de conscience sont possibles ; si, dans la puissance indéterminée de l’être, des aspirations multiples vers l’unité peuvent se produire, c’est que l’infinité une, actuelle et vivante de la conscience et de l’être enveloppe et soutient toutes les consciences finies. Dès lors, les consciences particulières, puissances secondaires et limitées, étant des consciences par leur participation à l’acte suprême d’unité, qui confond l’absolu de l’être et l’absolu de la conscience, il apparaît comme puéril de réduire l’être à une représentation, à une fiction des consciences particulières. Il n’y a rien