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Nous aussi, nous disons, avec M. Lachelier, que l’être se légitime et se garantit lui-même à l’infini, ou, plutôt, nous disons de l’être ce qu’il dit de l’idée d’être, et nous traduisons sa logique métaphysique en métaphysique immédiate et religieuse.

L’être est parce qu’il est, et ainsi à l’infini. Ainsi l’être se crée éternellement lui-même. Qu’est-ce à dire ? C’est qu’il est éternellement pour lui-même tout à la fois activité infinie et possibilité infinie. Pour qu’il soit possible, il faut qu’il soit ; pour qu’il soit, il faut qu’il soit possible. En lui donc la réalité et la possibilité, l’acte et la puissance ne font qu’un. Mais comme c’est parce qu’il est, en effet, l’être que cette confusion de l’acte et de la puissance est possible, c’est encore l’acte qui est premier ; et voilà pourquoi Dieu est supérieur au monde, tout en étant en un sens le monde lui-même. Dieu ou l’être étant à la fois, et dans une indestructible unité, acte et puissance, c’est bien, comme nous le disions, par le rapport des manifestations du monde à l’acte ou à la puissance de l’être que ces manifestations seront légitimes et réelles. Ainsi l’espace, qui n’a ni forme ni direction, mais qui est susceptible de toutes les formes et peut être parcouru dans toutes les directions, exprime la puissance pure de l’être indéterminé. Le mouvement étant la réalisation de l’acte dans la puissance, doit participer à la fois de la détermination de l’acte et de l’indétermination de la puissance. Voilà pourquoi il se traduit dans la ligne. La ligne du mouvement est continue, homogène, indéfiniment divisible comme la puissance de l’être. Et en même temps elle constitue un choix exclusif entre toutes les directions possibles de l’espace. Ainsi la ligne étendue en longueur, mais n’ayant ni largeur ni profondeur, n’est