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mouvements qui, à un moment donné, se déploient dans l’univers et les diriger tous vers un même point ; vous aurez beau faire converger ainsi vers un atome de matière tous les mouvements, toutes les forces en acte du monde, vous ne produirez pas en cet atome un effet infini ; si grand qu’il soit, il sera toujours un certain effet. Vous pourrez donc le supposer plus grand qu’il n’est ; il sera donc fini. De plus, dans cette somme infinie de mouvements ainsi concentrés, chaque mouvement distinct est fini. En développant l’intensité, la vitesse d’un seul de ces mouvements, on accroîtrait l’effet total, et comme chacun de ces mouvements peut être développé, et développé à l’infini, il s’en faut de l’infini que l’effet total soit infini. Voilà comment toute partie du monde peut être en relation avec le monde et la totalité de ses effets sans en être accablée. L’infini d’être qu’elle porte en soi dépasse infiniment l’action enveloppante du monde. Quelle que soit cette action, il y aura toujours une disponibilité de réaction égale. L’atome porte sans fatigue le fardeau de l’univers, le brin d’herbe pousse sans émoi, et la comète subtile évolue aisée et légère dans l’immensité.

Comment donc toute partie finie du monde participe-t-elle à l’infinité ? De deux façons : d’abord, comme nous l’avons vu, en enveloppant de l’être, c’est-à-dire une possibilité infinie d’action, et ensuite en correspondant au système universel du monde. Nous avons vu que jamais un mouvement particulier, un acte déterminé ne peut être infini. Ce qui est infini, c’est l’être, et aussi le système d’actes, de mouvements par lequel l’être se manifeste. L’espace est infini, parce qu’il est une unité. De même, l’univers est infini, non point par addition illimitée de ses actes finis, mais parce que ces