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l’espace compris entre ces limites ; toute fraction d’étendue enveloppe, si petite soit-elle, une possibilité infinie de formes, de mouvements, d’action ; c’est qu’elle contient de l’être, et, par suite, une vertu d’infinité dont la continuité mathématique, indéfiniment divisible, est l’effet et l’expression. Il y a donc des infinis limités, des infinis partiels, et ces infinis partiels peuvent, à ce titre, entrer les uns avec les autres dans des rapports finis. Spinoza a exprimé cette vérité avec une force admirable : « Il y a des choses qui sont infinies de leur nature, et ne peuvent être conçues comme finies en aucune façon, et d’autres choses qui ne sont infinies que par la force de la cause dont elles dépendent étroitement, et qui, par conséquent, dès qu’on les conçoit d’une manière abstraite, peuvent être divisées et considérées comme finies. » Et un peu plus haut : « Il ne répugne nullement que tel infini soit plus grand que tel autre infini. »

Cela est d’une conséquence extrême, car l’infini peut être présent partout sans emporter le fini et ses rapports ; le fini contient de l’infini, mais sa forme propre et sa détermination propre subsistent. Dieu, comme être, est omniprésent au monde, à toutes les fractions du monde, mais il ne l’absorbe pas. Dans sa manifestation infinie, qui est l’espace, l’être se prête à des figurations déterminées et mobiles, reliées par des rapports définis.

L’infinité de l’espace n’étant pas un total, le total des effets qui se déploient dans l’espace ne peut être infini. L’espace n’est pas un infini d’addition. Ce n’est donc pas par voie d’addition illimitée que l’ordre du mouvement, intimement lié à l’ordre de l’espace, peut atteindre à l’infini. Vous aurez beau requérir tous les