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l’unité et à l’homogénéité de l’être, qu’il participe à son infinité. S’il était tout simplement l’espace géométrique, il ne serait qu’indéfini, il aurait une inanité fuyante et vaine d’addition et de prolongement ; mais intimement uni à l’être, il trouve en l’être, c’est-à-dire presque en soi, la raison intérieure, nécessaire, éternelle de son infinité. D’où il suit que l’esprit humain peut bien se donner, dans l’ampleur croissante des horizons fuyants, l’image sensible de l’infinité de l’espace, mais il ne comprend vraiment, et n’embrasse dans sa plénitude cette infinité, qu’en se portant au centre même de l’être d’où elle jaillit. Par là, l’espace n’est pas une totalité inachevée, mais une unité achevée, et toute partie de l’être, par cela seul qu’elle est de l’être, porte en soi le secret et, par suite, la notion adéquate de l’espace infini ; elle n’a pas besoin de se dissiper sans terme au dehors, il faut, au contraire, qu’elle se recueille en soi. Par là aussi il apparaît qu’il n’est nullement contradictoire que Dieu, l’unité achevée, puisse contenir en soi et connaître l’espace, car celui-ci, par son unité et son infinité essentielle, qui est celle de l’être, répond à l’unité et l’infinité divines ; Dieu, en se saisissant en son fond, saisit du même coup, et immédiatement, le principe inépuisable de l’espace illimité.

Il faut donc distinguer, dans l’espace, l’infinité essentielle, qui tient à sa continuité et à son rapport à l’être, et l’infinité de manifestation, qui est une suite naturelle de la première, mais ne se confond point avec elle. Cette distinction n’est pas seulement fondée en métaphysique, elle a une valeur en quelque sorte physique. Car on peut, dans l’infini de manifestation de l’espace, marquer des divisions, des limites, sans altérer, en même temps, la continuité et l’infinité essentielle de