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selon son individualité propre, à tous les développements de l’univers. Puisque ainsi chaque monade peut appeler à soi l’infini, que nous parle-t-on avec cette rigueur de l’intériorité impénétrable des monades ? L’infini fait tomber toutes ces barrières. Par là même, l’espace qui exprime cette omniprésence de l’être et de l’infini en toute force particulière, la communication universelle dans l’être et dans l’infini, reprend toute sa valeur. Nous sommes affranchis, en même temps, d’une sorte de matérialisme qui pesait sur toute la doctrine de Leibniz, car la monade, pour garder son unité, avait besoin d’être un point de force, un, inaltérable, éternel ; elle était un atome de force. Leibniz se bornait à transposer le monde des matérialistes de l’ordre mécanique à l’ordre dynamique. De même que l’atome est impénétrable, la monade l’est ; de même que l’atome est impérissable, la monade l’est ; de même que l’atome a une figure immuable, immuable est la détermination propre de la monade. De même que le monde de Démocrite se décompose en atomes, le monde de Leibniz se compose en monades. L’unité de la monade est, comme celle de l’atome, une unité brute une fois donnée. Nous, au contraire, parce que nous voyons en tout l’être et avec lui l’unité, parce qu’aucun centre de force n’est strictement enfermé en soi, parce que tout est pénétré d’unité sans qu’aucune forme arbitraire et étroite puisse s’imposer nulle part, pour toujours, à cette unité, nous concevons que des centres d’unité s’évanouissent et que des centres nouveaux se forment, selon les actions et réactions incessantes de l’être universel. Il n’y a pas plus d’atomes de force que d’atomes de matière ; l’unité infinie s’exprime et se réalise par la variété harmonieuse des points de vue mouvants. À aucune force, à aucune