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nécessairement dans la qualité, et que toute sensation a un degré ? Il semble qu’il devrait produire ici une déduction ; il se borne à dire : « Ce qui, dans l’intuition empirique, correspond à la sensation, est la réalité ; ce qui répond à l’absence ou défaut de la sensation, c’est la négation, le zéro. Mais toute sensation est susceptible de plus ou de moins, tellement qu’elle peut décroître et disparaître insensiblement. De là, entre la réalité phénoménale et la négation, une suite continue de beaucoup de sensations intermédiaires possibles, dont la différence des unes aux autres est toujours moindre que la différence entre une sensation donnée et zéro, ou la parfaite négation. Ainsi toute sensation, par conséquent toute réalité dans le phénomène, si petite qu’elle soit, a un degré, c’est-à-dire une quantité intensive, qui peut cependant toujours être diminuée, et entre la réalité et la négation, il y a un enchaînement continu de réalité possible et de petites perceptions possibles. Une couleur quelconque, le rouge par exemple, a un degré qui, si petit qu’il puisse être, n’est jamais le plus petit possible ; il en est de même de la chaleur, du moment, de la pesanteur, etc. »

Ainsi Kant mesure la quantité ou le degré de la sensation par rapport au zéro de la sensation, soit ; mais encore faut-il que ce point zéro, par rapport auquel toute sensation a un degré, ait quelque fixité ; il faut qu’il offre un sens à l’esprit. Et pour cela, il faut qu’entre ce zéro de sensation et la sensation, il subsiste au fond quelque idée commune. Comment ce zéro pourrait-il servir de limite, de terme à la sensation décroissante, si, quoique zéro, il ne restait du même ordre ? Kant dira-t-il que ce zéro de la sensation, c’est le vide de l’espace occupé par la sensation ? Mais entre l’espace