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grand. Donc, au rebours de ce qui a lieu pour le triangle et pour toutes les autres images, l’espace n’apparaît ici que comme une image partielle de la quantité. Il figure simplement la quantité extensive. Voilà donc un concept un, celui de quantité, qui, lorsqu’il se traduit en image, est morcelé et mutilé. N’y a-t-il pas là une anomalie étrange, et qui fait pressentir une erreur ou une lacune dans la théorie de Kant ? Réfléchissons bien à ceci : l’espace, pour Kant lui-même, n’est point séparable du mouvement qui, en le parcourant, le construit et l’institue. Or, le mouvement, comme nous l’avons vu, a un rapport essentiel à l’être, au besoin de communication, de pénétration réciproque, d’harmonie active qui travaille son immensité. Dès lors, l’espace ne se réduit à être l’image de la quantité extensive seulement que si, par une fiction, on le considère à l’état d’inertie et de repos. Mais, par le mouvement dont il ne peut être séparé, il devient en même temps l’expression sensible et le symbole de l’être. Or, les sensations diverses expriment, comme nous l’avons vu, des relations et des communications distinctes de l’être à l’être, et c’est parce qu’il y a en elles de l’être, qu’elles sont susceptibles de degrés selon qu’une quantité plus ou moins grande d’être se prête à leur détermination, et tous ces degrés de sensation correspondent à des degrés de mouvement. C’est ainsi que l’espace, avec le mouvement, étant le symbole de l’être, est l’image de la quantité tout entière, dans l’ordre intensif comme dans l’ordre extensif. Notre doctrine rétablit donc la pleine correspondance de la sensibilité et de l’entendement, que Kant, par l’élimination de l’idée d’être, avait compromise.

Mais comment Kant établit-il que la quantité pénètre