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d’ordre, de règle, d’unité harmonieuse qu’il bâtit son système. Nous, nous n’avons pas besoin de cet emprunt secret à la finalité, parce que nous avons reconnu l’être et son unité, l’unité de la conscience et de l’être, et l’aspiration commune et nécessaire de l’être et de la conscience vers l’unité. Quoi de plus naturel, dès lors, que de soumettre l’univers sensible à l’unité, comme à sa fin tout ensemble idéale et réalisable ? Nous ne déduisons pas de l’idée d’être l’idée de fin, pas plus que nous n’avons déduit la conscience de l’être. La conscience, étant l’unité anticipée, a le besoin nécessaire d’accomplir cette unité ; elle poursuit donc une fin : la conscience enveloppe nécessairement la finalité. C’est ainsi que l’être, la conscience, la fin, sont des termes nécessairement liés, sans que l’un dérive précisément de l’autre. L’univers ne se reconstruit pas, comme un pachyderme fossile, avec un débris d’os, je veux dire avec une idée fragmentaire : il est une unité organique et vivante où l’on ne peut discerner l’élément originel, l’élément dérivé. L’être, la conscience, la fin, forment un système qui nous satisfait par son unité en même temps qu’il nous réjouit par sa richesse. De même, malgré la valeur à la fois réelle et symbolique que nous accordons à l’espace, nous sommes bien loin de prétendre déduire de l’idée d’espace d’autres idées. Comme on l’a vu, nous avons puisé l’idée de cause à une source plus profonde : nous distinguons parfaitement, avec Kant, l’entendement et la sensibilité ; mais nous prétendons qu’il y a harmonie de l’entendement à la sensibilité. Nous sommes amenés à conclure de nouveau et plus fortement, après cette excursion rapide dans un problème plus général, que l’espace n’est pas une forme arbitraire, qu’il a sa valeur expressive et sa