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maient, sous des formes diverses, l’unité fondamentale de l’être ; qu’ainsi, et par l’être, il était aisé de soumettre les phénomènes sensibles aux catégories, et celles-ci, moyen d’unité, à la conscience, force d’unité. Aussi la chaîne par laquelle il rattache le sensible à l’entendement et l’entendement à la conscience se brise deux fois. Tout d’abord, il est obligé de reconnaître que les matériaux de la sensibilité s’imposent à nous, avant que la synthèse de l’entendement s’y applique, et indépendamment de cette synthèse ; voici ses paroles : « Je n’ai cependant pas pu faire abstraction d’une chose dans la démonstration précédente : savoir que la diversité de la matière de l’intuition doit être donnée avant que la synthèse de l’entendement ait lieu et indépendamment de cette synthèse ; mais le comment reste ici sans solution. »

Voilà la première rupture de la chaîne ; il en est une autre non moins grave. Kant ne peut pas dire pourquoi l’unité de la conscience s’exprime par des catégories et par telles catégories. Voici ses paroles : « Mais quant à la propriété de notre entendement, de ne donner l’unité de l’aperception a priori qu’au moyen des catégories, et par ces catégories plutôt que par d’autres, et par ce nombre de catégories plutôt que par un plus ou moins grand nombre, c’est ce dont on ne peut pas plus rendre raison que de la question de savoir pourquoi nous sommes doués de ces mêmes fonctions de jugement et non pas de telles autres, ou pourquoi l’espace et le temps sont les seules formes de toutes nos intuitions possibles. » Kant a donné deux rédactions différentes de la déduction transcendantale des catégories. Les paroles que je viens de citer sont empruntées à la rédaction définitive. Je cherche en vain, dans la première rédac-