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cette idée existe ; nous savons du moins dans cette hypothèse qu’il est vrai ou qu’elle existe ou qu’elle n’existe pas. Quelque chose est donc déjà pensé par nous comme vrai et comme existant. Mais dire que quelque chose est pensé comme existant, c’est dire qu’il y a une idée de l’être, et dire que quelque chose est pensé comme vrai, c’est dire qu’il y a une idée de la vérité. Ainsi, l’idée de l’être considéré comme contenu de la pensée a pour antécédent et pour garantie l’idée de l’être considéré comme forme de cette même pensée. Dira-t-on que l’idée de l’être considéré comme forme de la pensée aurait elle-même besoin d’être garantie par une forme antérieure ? Soit, et c’est précisément ce qui a lieu ; car cette idée, dont l’existence est maintenant en question, descend par cela même au rang d’objet et de contenu de la pensée. Et ce nouveau contenu trouve aussitôt sa garantie dans une nouvelle forme, puisque, soit qu’il existe, soit qu’il n’existe pas, il est vrai, encore une fois, qu’il existe ou qu’il n’existe pas. L’idée de l’être se déduit donc d’elle-même, non pas une fois, mais autant de fois que l’on veut ou à l’infini : elle se produit donc et se garantit absolument elle-même. L’être est, pourrions-nous dire encore, mais en allant dans cette proposition, contrairement à l’interprétation ordinaire, de l’attribut au sujet, car la pensée commence par poser sa propre forme, c’est-à-dire l’être comme attribut. Mais un attribut peut toujours être pris pour sujet de lui-même, et à tout ce qui est, fût-ce au non-être, nous pouvons donner le nom d’être. Donc, l’être est.

« Cette idée de l’être dont nous venons d’établir l’existence paraîtra probablement bien vide. Elle n’est, en effet, que l’idée même de l’existence ou la forme