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sive, réceptive, et que l’entendement a une vertu spontanée ? Évidemment, ce n’est pas au sens psychologique. D’abord, en fait, nous appliquons au monde extérieur les catégories de l’entendement, les catégories de cause, de substance, sans nous en douter. Si nous n’avons pas une conscience claire du mode selon lequel nous appliquons aux phénomènes la forme de l’espace, nous n’avons pas non plus une conscience claire de l’acte par lequel nous les soumettons aux catégories de cause, de substance, etc. Le mécanisme de l’entendement fonctionne en nous d’une manière aussi aveugle, au moins le plus souvent, que le mécanisme de la sensibilité. D’ailleurs, Kant lui-même reconnaît que, pour que nous puissions appliquer les catégories de l’entendement à la diversité sensible, il faut que cette diversité ait été liée, au préalable, par un acte de l’imagination. Il faut, par exemple, que les diverses parties d’une maison aient été parcourues et liées en un tout par l’imagination, avant qu’il puisse y avoir, à proprement parler, connaissance de la maison par des concepts. Or, cette synthèse préalable est, suivant l’expression même de Kant, une fonction aveugle de l’imagination. Donc il peut y avoir, dans la connaissance, des activités aveugles ; ce n’est donc pas dans la conscience plus ou moins claire que nous pouvons avoir de tel ou tel mode de la connaissance, que nous devons chercher si ce mode est actif ou passif, s’il correspond à une activité ou à une spontanéité. Mais Kant lui-même écarte expressément tout élément psychologique. On peut même dire que son effort principal est de soustraire la connaissance humaine à la psychologie. Trop souvent, dans l’enseignement courant, on représente les catégories de l’entendement, d’après Kant, comme des formes innées, nécessaires et constitutives