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festations de l’univers sensible, l’espace, le mouvement, la lumière, le son, etc., et en démontrer la réalité qu’en cherchant leurs rapports, soit à l’activité, soit à la puissance de l’être. M. Lachelier a bien senti que ses recherches sur le fondement de l’induction ne suffisaient pas et que le problème de la réalité tel qu’il l’avait posé aboutissait nécessairement au problème de l’être. Voilà pourquoi, dans une étude plus récente sur la psychologie et la métaphysique, il a tenté une déduction a priori du système des choses, en partant de l’idée d’être et de la seule idée d’être. C’est une des plus belles tentatives de la pensée humaine dans notre siècle ; mais il me semble que le procédé de M. Lachelier dans cette déduction est arbitraire. Préoccupé, avant tout, d’écarter la vieille notion morte de substance, de chose^ et de ramener la réalité à l’ordre, à la finalité, à la raison, ce n’est point dans l’être même qu’il se transporte d’abord, mais dans l’idée d’être ; il construit la logique de l’être bien plus que la métaphysique de l’être. Il est bien vrai qu’à ces hauteurs, l’idée et la réalité, la logique et !a métaphysique se confondent ; mais, pour pouvoir les confondre, il faut avoir eu d’abord le droit de les distinguer. Or, quand on se transporte dans l’être, la dualité de la pensée et de l’être disparaît d’emblée, et il n’est pas possible de les identifier par un effort ultérieur, car cet effort suppose une distinction première qui n’est pas. Dès que nous pensons l’être en tant qu’être, dans sa plénitude et son unité, notre pensée n’est plus distincte de l’être ; elle est présente à l’être comme une lumière intérieure et indiscernable. M. Lachelier dit : « Essayons donc de montrer comment l’idée de l’être ou de la vérité se produit logiquement elle-même. Supposons que nous ne sachions pas encore si