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mouvement, « la force motrice ». Nous reviendrons sur ce point important, mais nous pouvons noter dès maintenant que la continuité du mouvement sans saut, sans lacune est une de ces lois, et que cette continuité nous mènerait, par un chemin bien court, à l’idée d’être.

Kant dit encore qu’on ne peut concevoir l’espace comme une chose en soi, car une chose infinie, qui ne peut pas être une substance, ni quelque chose d’inhérent aux substances, mais qui est cependant quelque chose d’existant, et même la condition nécessaire de l’existence de toute chose, subsisterait encore quand même tout le reste serait anéanti, ce qui serait absurde. Mais nous avons vu que l’espace, qui n’est point l’être, est l’expression sensible de l’être, et qu’il est, par son rapport à l’être universel, la condition interne, profonde de toutes les existences.

Kant dit encore, mais comme éclaircissement, non comme preuve, qu’attribuer à l’espace une existence objective, c’est obliger Dieu à voir le monde sous la forme de l’espace. Kant a voulu ici évidemment concilier à sa doctrine la bienveillance de la théologie naturelle, qui répugne à soumettre Dieu aux conditions de la perception humaine. Mais si nous voulions un moment suivre Kant dans cette voie, nous dirions que c’est, au contraire, en attribuant à l’espace, comme nous le faisons, une valeur intelligible, que nous permettons à Dieu de saisir le monde sous la raison de l’espace, sans sortir de la pensée. Dieu voit l’espace immense et un éclore de l’être immense et un pour le manifester.

Enfin, et nous entrons ici dans les plus sérieux problèmes, Kant considère que l’espace et le temps sont