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dire l’infini qui les enveloppe et les pénètre, les sentiments de tendresse, de pitié, d’adoration, d’espérance, de rêverie par où elles se comprennent et se confondent. Ce qui est vrai des âmes, l’est aussi des corps. Comment un corps pourrait-il communiquer à un autre son mouvement s’il n’y avait pas un moment entre eux une continuité absolue et une identité fondamentale ? Ce n’est pas parce qu’un corps a telle forme, telle densité, telle structure physique, telle composition chimique, qu’il reçoit le mouvement d’un autre corps, c’est parce qu’il est, comme lui, un ensemble de forces et que toutes ces forces sont liées entre elles par l’unité de l’être universel. Le mouvement, par sa continuité et sa transmission, affirme cette unité, mais c’est elle qui le rend possible. Or cette unité essentielle de l’être, qui seule rend possible l’action, comme elle rend possible la rêverie, l’espace en est la manifestation visible, le symbole, et par là encore, tous les êtres, jusque dans leur fond, dans leur efficacité d’action comme dans leur effusion de rêve, sont dans l’espace.

En troisième lieu, il y a dans tout être, dans tout système un de force, une partie plus proprement active et concentrée, c’est-à-dire immatérielle, une partie plus proprement passive et diffuse, c’est-à-dire matérielle. Dans l’homme, par exemple, il y a l’âme et le corps ; dans la molécule chimique il y a d’abord l’énergie propre, spécifique de cette molécule, celle qui détermine son action et ses relations, c’est là l’activité définie, concentrée, ordonnée de la molécule ; c’est là la forme, l’âme de la molécule. Mais il y a autre chose : il y a les éléments dont la molécule se compose et qui ont des possibilités d’action différentes, contenues, mais non supprimées. De plus, la molécule chimique,