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point symbolisé par l’espace infini, où toute forme se meut, originale, définie, mais point solitaire ?

En second lieu, si la rêverie tient quelque place dans la vie des êtres, celle-ci est surtout action. Or il est bien vrai que les êtres particuliers agissent sur d’autres êtres particuliers, unis à eux par des relations particulières. La molécule chimique agit sur d’autres molécules chimiques en vertu de lois définies d’affinité, d’antipathie. L’âme humaine agit sur d’autres âmes humaines, selon des lois définies d’affinité ou d’antipathie. Toute action est précise et se propose un effet précis, c’est-à-dire que l’être agissant avec les moyens d’action qui résultent de sa nature propre, veut obtenir ou des êtres ou des éléments certains effets qui peuvent résulter de la nature propre de ces éléments ou de ces êtres. L’action semble donc exclure tout ce qui est universel et flottant, c’est le corps à corps des guerriers sur le champ de bataille. Oui, mais regardez de plus près, et vous verrez que les communications les plus intimes, les plus délicates supposent l’intermédiaire de l’être universel ; que deux âmes aillent l’une vers l’autre, elles ne pourront se mêler que dans l’éclair des yeux ou le murmure des lèvres. Si discret que soit ce murmure, il ébranle l’air extérieur ; si rapproché et si court que soit cet éclair, il émeut l’éther illimité. L’infini est de moitié dans les confidences les plus secrètes, et les âmes les plus voisines ne peuvent se rencontrer qu’en le traversant. Bien mieux, comment peuvent-elles se comprendre ? l’une n’est pas l’autre, et si elles restaient chacune renfermée en soi, si elles ne se touchaient pas dans l’être universel, jamais elles ne parviendraient à s’entendre. Mais elles ont puisé à la même source, je veux