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aucune résistance ou qui du moins ne les trouble par aucune diversité. On peut donc dire que les planètes et les soleils se meuvent dans l’être, dans l’indétermination de l’être, et que la haute détermination mathématique des mouvements sidéraux n’est possible que par l’indétermination de l’être considéré comme pure puissance et neutre comme l’espace. Ainsi, la précision de la forme a pour base l’indétermination de la quantité, et l’activité de l’être ne peut s’exercer selon des lois et s’ordonner selon des formes stables que dans la puissance pure de l’être, exprimée par des milieux physiques homogènes et relativement indéterminés. Il me semble que, dans le fondement de l’induction, M. Lachelier n’a point assez marqué que l’indétermination même de l’être considéré comme puissance est une condition nécessaire de la réalité, telle qu’il l’entend, c’est-à-dire de la détermination. Ce n’est pas que je veuille dériver la forme de la matière, la qualité de la quantité, l’acte de la puissance. Quand Spencer affirme que la loi de l’univers est le passage de l’homogène à l’hétérogène, il a raison, sans doute, s’il se borne à constater un fait. Mais s’il prétend formuler une explication métaphysique du monde, il se trompe, car le milieu homogène n’existe qu’en vue de l’organisme précis et différencié, et la puissance pure de l’être indéterminé ne se déploie que pour donner aux êtres déterminés une base durable ou même la possibilité d’une base éternelle. Mais si l’être, comme être, comme puissance indéterminée, concourt à la stabilité des formes et des systèmes, c’est une raison de plus pour faire entrer l’être comme puissance dans la constitution et la définition de la réalité. Ainsi, le problème de la réalité devient le problème de l’être qui est le problème der-