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activités, à toutes ses déterminations. Si chacun des éléments qui entrent dans un organisme vivant s’épuisait dans un acte déterminé, il devrait, sous peine de destruction totale, persister immuablement dans cet acte, il y serait comme figé. Dès lors la forme de l’être vivant ou de l’individu chimique ne serait plus que le total rigide d’éléments rigides. Elle ne serait plus une forme, elle ne serait qu’une somme ; car pour qu’il y ait forme, unité vraie, il faut que tous les éléments vivent d’une vie propre et en même temps aspirent à l’harmonie de la forme et à l’unité du type. Il faut donc qu’en tout élément, il y ait, outre son activité propre, un fonds d’être et, si je puis dire, une réserve d’aspirations tendant vers la forme ; il faut donc que, dans tout élément d’activité finie, il y ait de l’être et toujours de l’être à l’infini. Car il n’y a rien qui limite et mesure a priori l’aspiration des éléments de l’univers vers une forme toujours plus belle et une unité toujours plus vaste.

Enfin, aucune forme ne pourrait subsister si l’univers était partout également différencié et s’il n’y avait pas, jusque dans l’ordre physique, des milieux relativement homogènes et immuables qui représentent, pour ainsi dire, l’indétermination de l’être. C’est ainsi que tous les organismes terrestres se développent dans une atmosphère qui, chimiquement, ne varie guère sur toute la surface de la planète. C’est ainsi que les fonctions vitales, spéciales à l’être vivant, ont pour base des lois physiques et chimiques qui sont communes au monde organique et au monde inorganique. De même et surtout les astres se meuvent dans un milieu illimité et sans doute homogène, l’éther, qui n’oppose aux évolutions stellaires et aux lois mathématiques de ces évolutions