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sensible et intelligible a un envers mécanique que la science est en droit de rechercher, et que le monde de la science est l’organe nécessaire du monde des sens et de la pensée. Voilà pourquoi, l’amour-propre aidant et l’ambition de l’universalité, il se laissa aller à une polémique contre Newton, où sa pensée même, dans ce qu’elle a de juste, s’est compromise. Il aurait rendu un bien plus grand service à la poésie, à la métaphysique et à la science elle-même si, au lieu d’attaquer celle-ci dans ses prétentions légitimes et ses méthodes propres, il l’avait conviée à la modestie et à la réserve. Il n’aurait pas dû en nier sans compétence les résultats, mais montrer seulement ce qu’ils avaient de superficiel et quelle en était l’insuffisance, non pas provisoire, mais définitive ; non pas fortuite, mais nécessaire. Il aurait aisément établi que les mouvements, pris en eux-mêmes, n’avaient pas grande signification ; qu’il ne s’agissait pas seulement d’en démontrer l’existence et d’en constater la loi, mais qu’il fallait encore les interpréter. Or, n’est-ce pas une bonne fortune pour l’esprit, en même temps qu’il tient la clef mathématique des phénomènes, d’assister à leur production vivante et à leur développement concret ? Les sens saisissent la clarté et l’obscurité, et surprennent de frappantes correspondances entre ces deux éléments et les couleurs ; ne peuvent-ils pas jeter certain jour sur les formules mathématiques ? En un mot, on pouvait contempler les deux aspects corrélatifs du phénomène, son aspect physique et son aspect métaphysique. Pourquoi nier l’un ou l’autre et pourquoi ne pas étudier avec soin cette corrélation ?

Cette intimité de la lumière et des choses dans la couleur, ce n’est pas seulement le cœur qui la pressent