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ciel un peu moins pur, il est d’or ; dans un ciel chargé de vapeurs, il est rouge. C’est, dit-on, que la vapeur d’eau ne laisse passer que les rayons rouges ; mais ce n’est là qu’une autre expression du fait, et, d’ailleurs, l’atmosphère est-elle jamais nette de vapeur d’eau, même quand le soleil est d’or ? Mais cela dépend de la quantité : en d’autres termes, cela dépend de la résistance plus ou moins grande que la clarté a à vaincre pour venir jusqu’à nous ; ou bien faut-il admettre qu’entre les particules de la vapeur d’eau, les rayons rouges, parce qu’ils sont rouges et qu’ils ont telle longueur d’onde et telle vitesse, glissent sans effort ? S’il en est ainsi, c’est que, de façon ou d’autre, la lumière s’est adaptée, pour poursuivre son chemin, au milieu épais qu’elle doit traverser ; c’est qu’elle en a tout d’abord subi la loi propre ; et il est bien probable que cette adaptation première lui permet, non d’éviter tous les chocs, mais d’y résister ; non d’échapper à tous les mouvements des particules à travers lesquelles elle voyage, mais de s’harmoniser à ces mouvements, de les respecter et d’en être respectée ; le rayon qui traverse le nuage n’est pas ainsi un étranger qui passe au plus vite, fuyant le danger : il a pris corps au passage dans la nuée ardente qui voile et révèle le soleil ; il en a été un moment l’âme splendide ; et quand un reflet de pourpre s’allonge dans la plaine et gravit le coteau, ce n’est pas seulement un dernier regard du soleil qui s’en va, c’est aussi une pénétrante et mélancolique caresse de la nuée occidentale à l’horizon ami d’où le souffle naissant du soir veut la séparer.

Voici, à mi-hauteur du ciel, un beau nuage dans un ciel pur. Le soleil va se coucher. Le nuage est blanc. À mesure que le soleil baisse, le nuage se revêt d’or ; puis