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verselle et transparente. Aussi, en pénétrant dans notre sphère, la lumière y trouve-t-elle comme réalisé un principe antagoniste, l’obscurité. L’obscurité n’est pas plus le noir, que la lumière n’est le blanc ; le noir n’est visible que par la lumière : il est donc l’obscur modifié dans son rapport avec le clair, comme le blanc est le clair modifié dans son rapport avec l’obscur. Aussi, constituer toutes les couleurs par des rapports variés du clair et de l’obscur, n’est-ce pas les former par un simple mélange du noir et du blanc. D’une part, en effet, nous n’avons plus ici les deux principes dans leur pureté idéale, et, d’autre part, ils ne sont plus susceptibles de relations idéales aussi, mais seulement d’un mélange indéterminé. Mais si la théorie de la réfraction n’a pas suffi à nous démontrer la préexistence des couleurs dans la lumière, la théorie de la réflexion ne la démontrera-t-elle point ? Pourquoi, en effet, telle feuille est-elle verte et telle autre rouge ? C’est que la première absorbe tous les rayons colorés, et ne réfléchit vers notre œil que le vert ; c’est que la seconde absorbe tous les rayons colorés et ne réfléchit vers nous que le rouge. La coloration diverse des objets ne s’explique que par un tri opéré par eux entre les divers rayons colorés : ils engloutissent, si l’on peut dire, et annulent les uns, rejettent et manifestent les autres. Ce mécanisme est-il intelligible, sans la distinction préalable des rayons colorés dans le rayon lumineux prétendu simple ? Ici encore, comme tout à l’heure dans la théorie de la réfraction, on confond dans une même certitude un fait incontestable et l’interprétation hypothétique ou symbolique de ce fait. Une seule chose est certaine : c’est que l’objet, si aucun rayon lumineux n’est dirigé vers lui, n’est point coloré, puisqu’il n’est même pas visible, et