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par un prisme, se divise en sept couleurs et en nuances innombrables ; mais cela prouve-t-il que ces sept couleurs existaient auparavant dans la lumière une ? Il est, sans doute, très commode d’admettre que sept rayons de longueur d’onde différente coexistaient dans la lumière, et que leur réfrangibilité inégale, au contact du prisme les a dispersés ; oui, c’est une façon aisée de se représenter les phénomènes, mais ce n’est qu’un symbole ; ce n’est qu’une interprétation du fait, qui ne saurait valoir comme un fait même. La lumière en elle-même est inconnue ; dès lors, comment savoir avec certitude si le prisme se borne à écarter des rayons déjà distincts ou s’il ne brise pas une unité véritable ? On dit que la lumière blanche est un mélange des sept couleurs ; mais le mot mélange est bien vague. Signifie-t-il une simple juxtaposition ou une union plus intime ? Dans la théorie newtonienne, c’est d’une simple juxtaposition qu’il s’agit ; mais ce n’est là encore une fois qu’une hypothèse mathématique ; il est vrai que si l’on fait tourner rapidement un carton sur lequel sont distribuées les sept couleurs avec les proportions qu’elles ont dans le spectre on obtient une vague sensation de blancheur sale, mais cette sensation n’a rien de commun avec la pure clarté ; et, d’ailleurs, comme nous ignorons le travail physiologique que produit en nous le disque tournant, comme nous ne savons pas si les sept couleurs se juxtaposent simplement en nous ou si elles reconstituent une unité interne, l’unité de la lumière, l’expérience, à vrai dire, ne prouve rien. Il y a même, à constituer ainsi le rayon lumineux de rayons colorés juxtaposés, une difficulté qui me frappe : le faisceau total a une dimension donnée ; lorsque donc je laisse pénétrer dans la chambre obscure un rayon de soleil,