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pour le verre et pour le bronze ? Il faut donc qu’il y ait, jusque dans la note fondamentale émise par le verre, une particularité secrète qui ne se retrouve point dans la même note fondamentale émise par le bronze. Il est donc impossible de séparer complètement, dans les vibrations d’une substance quelconque, la note fondamentale et la note harmonique. Le timbre doit être une unité physiquement, comme il l’est psychologiquement. L’individualité de la substance vibrante s’y exprime en un acte unique. Elle n’est point d’abord, par sa note fondamentale, identique à toute autre substance possible, sauf à subir presque aussitôt, par l’addition d’une harmonique, une retouche toute extérieure d’individualité.

L’harmonique n’est pas posée sur la note fondamentale comme le moineau sur un toit : elle ne fait qu’un avec elle. Comment ? je l’ignore, et la science ne nous l’a pas encore dit ; mais certainement, lorsque la cloche de bronze et d’argent fondus se met à vibrer, cette fusion métallique s’exprime toute entière dans une vibration totale que l’analyse peut décomposer, mais qui, exprimant un système défini de force, de structure moléculaire interne, est une comme ce système même. Le timbre est l’accent des forces comme il est l’accent des âmes. Il est donc un comme les forces, et ici encore, l’analogie du dedans et du dehors, de notre âme et du monde, de la conscience et de l’être, s’impose à nous. Peut-être trouvera-t-on excessif de dire qu’un métal particulier, comme l’or, le cuivre, le fer, ou une substance particulière homogène comme le verre, a une individualité particulière qui s’exprime par une sonorité spéciale et un timbre spécial. Ce n’est pourtant pas le hasard absolu qui a fixé les combinaisons diverses de