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tanées différentes. Comment cela est-il possible ? Comment la même parcelle de métal vibrant peut-elle exécuter, au même moment, la vibration qui correspond à la note fondamentale et la vibration qui correspond à la note harmonique ? Il y a des questions qui trahissent beaucoup plus d’ignorance que de curiosité. J’ai peur que la mienne soit de celles-là. J’avoue cependant que je ne comprends pas, et je crois pouvoir observer que, de même qu’il y a une chimie des laboratoires qui n’est pas précisément la chimie de la vie, il y a aussi une acoustique de laboratoire qui n’est peut-être pas tout à fait l’acoustique de la réalité. Les expériences de M. Helmholz sont merveilleuses ; mais c’est à la reconstitution artificielle du son qu’elles nous font assister. Que deux vibrations distinctes, l’une fondamentale, l’autre harmonique, puissent être rapprochées par notre oreille et fondues par notre conscience en une sensation unique, cela ne prouve point que ces vibrations restent réellement et physiquement distinctes jusqu’au bout, et surtout cela n’explique point comment, dans la réalité, une parcelle de cristal peut exécuter simultanément deux vibrations différentes. Il se peut que notre conscience, habituée à faire la synthèse de la note fondamentale et de l’harmonique, opère en effet cette synthèse, même quand les deux vibrations sont physiquement distinctes. Mais il est fort possible aussi que, dans la réalité naturelle, la synthèse psychologique et physiologique soit précédée d’une synthèse physique. Dira-t-on que c’est la note fondamentale, à peine produite, qui éveille dans l’air, par une sorte de contrecoup, la note harmonique ? Mais cette note fondamentale est la même pour le verre, pour le bronze, etc. Et alors, pourquoi éveille-t-elle une harmonique différente