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l’oreille ; mais bientôt et dans des conditions déterminées elles se fondent en une sensation unique. C’est ici, à mon humble avis, que, malgré l’admirable précision des expériences de Helmholz, il reste quelques points délicats et décisifs à éclaircir. Cette fusion qui se fait des deux notes en une sensation unique, est-elle purement psychologique ? C’est peu probable ou, plutôt, c’est inadmissible, car on ne peut pas supposer qu’un phénomène de conscience ne corresponde à aucun phénomène organique. Il doit donc y avoir, en même temps que la fusion de conscience, une fusion physiologique et cérébrale. Les deux vibrations, d’abord distinctes, doivent bientôt former comme un système. Comment ? il ne nous appartient pas de risquer même une conjecture, et on n’est pas en droit de nous en demander. Nous avons le droit d’être des curieux sans être obligés d’être des savants, et nous abuserons de notre droit pour demander encore : Est-ce qu’il n’y a pas hors de nous une sorte de fusion physique de la note fondamentale et de l’harmonique ? Y a-t-il là simplement deux vibrations simultanées ou n’y a-t-il pas une unité réelle et physique, un système de ces deux vibrations ? Helmholz a montré que les vibrations de l’air, comme les ondulations de l’eau, peuvent s’ajouter les unes aux autres ou se retrancher les unes des autres. Il y a des sons qui s’additionnent les uns aux autres ou qui se neutralisent les uns les autres, comme la vague s’ajoute en hauteur à la vague, ou, au contraire, comble les creux de l’eau. Mais ce sont là, entre les sons, des relations de quantité. N’y a-t-il pas aussi entre eux des relations physiques de qualité ? Je m’explique. Voilà un métal qui vibre. Il émet une note déterminée, d’un timbre spécial, c’est-à-dire qu’il exécute deux vibrations simul-