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rien ne le démontre, d’une résistance incessamment vaincue. Les rapports de la matière mouvante et de l’éther n’apparaissent pas comme des rapports de lutte, et il serait étrange que nous dussions entendre les astres geindre dans un effort éternel. De plus, dans le monde de la matière, du conflit, du désir, de l’aspiration, il n’y a pas de certitude géométrique ; tous les êtres cherchent leur voie en chantant ou en gémissant. Et les grands souffles qui le soir semblent hésiter sous le ciel et demander leur chemin à la forêt sombre, sont bien le symbole de toute vie. Au contraire, les astres ont beau être suspendus de proche en proche à un centre idéal et mystérieux ; ils ont beau, subissant des actions et des réactions illimitées, décrire des courbes riches d’infini qu’aucune formule mathématique n’épuisera complètement, ils ne cherchent pas, ils ne tâtonnent pas. Il y a dans leur mouvement une certitude impeccable. Leur aspiration éternelle est éternellement réalisée par la précision des évolutions géométriques. Qu’ont-ils dès lors à raconter ? et qu’ont-ils à nous dire, à nous qui cherchons sans cesse notre voie ? Non, les astres sacrés n’ont pas un frémissement de feuilles inquiètes, et ce n’est pas d’un frisson de forêt que doit s’emplir la nuit étoilée, mais bien de la sérénité de la lumière éternelle.

Et qu’importe aussi que les êtres particuliers d’une sphère ne puissent communiquer directement, par le son, avec les êtres particuliers d’une autre sphère ? Le son est le passage d’une vie dans une autre, la transmission de ce qu’il y a dans les êtres de plus intime et de plus secret ; et cette communication exige, si je puis dire, une parenté étroite et une sorte de mutuelle confiance. Dans l’état de dispersion et de conflit où s’agite