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c’est-à-dire un mélange spécial d’oxygène et d’azote, ferait défaut, et où, pourtant, le son existerait. Sa condition unique est l’existence d’un milieu matériel et élastique. Or il est infiniment probable qu’il n’y a point de sphère où un pareil milieu ne soit donné. L’élasticité suppose deux choses : elle suppose d’abord que les objets matériels ont une constitution, une forme, un équilibre assez stable pour que, écartés un moment de leur forme habituelle et de leur point d’équilibre, ils puissent y revenir. La branche courbée qui reprend sa forme est élastique ; la corde de violon qui revient, par une série d’oscillations, à son état premier, est élastique ; la molécule d’air qui, déplacée par un ébranlement, revient à son point d’équilibre après avoir exécuté un certain nombre de vibrations, appartient à un milieu élastique. La deuxième condition de l’élasticité, c’est justement que l’élément matériel ébranlé puisse se mouvoir, qu’il ne se heurte pas d’emblée à une résistance brute et impénétrable. L’élasticité implique donc une certaine individualité persistante dans les objets matériels, et, en même temps, une certaine souplesse, une certaine facilité de jeu et dans ces objets matériels qui peuvent s’écarter un peu de leur forme stable et de leur point d’équilibre sans perdre décidément leur forme, et aussi dans le milieu général où ces objets sont situés, et qui doit permettre des déplacements. On peut donc dire que l’élasticité est la forme de l’individualité suffisamment définie et résistante, mais point rigide. Elle atteste une double puissance de permanence et de variation, de concentration et d’expansion. Or cette double puissance, c’est la matière proprement dite. Lorsque l’être s’organise sous forme de matière, c’est pour créer des centres de force et d’action individuels, définis et