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un objet distant de nous envoie vers nous des rayons lumineux, tous les points intermédiaires de l’atmosphère en envoient aussi ; et il y a toute une série de points atmosphériques qui sont en ligne droite avec un point donné de l’objet. Le rayon lumineux émis par ce point de l’objet suit donc en quelque sorte, à la trace, les rayons émis par les points atmosphériques intermédiaires ; et sans perdre sa forme propre, il se mêle à ces rayons, les pénètre et s’en pénètre. Il fait donc partie d’un système de lumière et ce système de lumière est représenté dans le cerveau par des profondeurs de mouvements différentes, selon les profondeurs d’atmosphère, c’est-à-dire de lumière, comprises entre l’objet et nous. L’espace n’est pas vide pour notre conscience, il est plein ; et les objets particuliers ne sont pas des étrangers dans l’espace lumineux ; ils s’harmonisent à lui ; ils sont comme noyés quand la lumière est trop vive, alourdis quand elle est pauvre ; et dans les beaux moments de lumière calme, il est évident que les formes visibles, avant d’arriver à nous, tranquilles et heureuses, ont traversé un milieu de sérénité idéale. C’est cette pénétration, cette amitié des formes visibles et de la pure lumière identique pour nous à l’espace transparent, qui explique que nous percevions immédiatement les objets à des profondeurs d’espace inégales. Nous les percevons à des profondeurs de lumière inégales. Pourquoi, la nuit, nous est-il impossible de discerner la distance d’une clarté ? Pourquoi la lanterne allumée qui s’avance vers nous sur la grande route nous paraît-elle immobile ? On dit d’habitude : c’est parce que nous ne voyons pas les objets intermédiaires. Soit ; mais c’est aussi parce que nous ne pouvons pas mesurer la lumière intermédiaire ; et encore l’obscurité est-elle en un cer-