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le son et la lumière, la matière n’est que le véhicule indifférent de formes qui se reproduisent et s’enchaînent depuis le foyer d’origine jusqu’au foyer de conscience. De plus, l’organisme n’ayant à opérer sur eux aucun triage, par là encore, ils ne relèvent point de lui. Enfin la lumière et le son ne sont point nécessaires au fonctionnement de la vie. L’animal aveugle et sourd vit. La chaleur, bien qu’elle ait une origine extérieure et une forme déterminée est nécessaire à la vie ; elle est liée à toutes les activités de l’organisme ; elle en est tour à tour la condition et le produit. Elle ne peut donc être sentie que dans l’organisme lui-même et avec lui, même quand elle vient du dehors. De plus, quoiqu’elle se propage sous la forme d’un mouvement déterminé, analogue et presque identique au mouvement lumineux, son rôle est de fournir de l’énergie indéterminée aux êtres qui l’approprieront chacun à son usage. Elle n’a donc un sens pour l’organisme qu’au moment où elle pénètre en lui, et voilà pourquoi elle n’est point perçue à distance. Cela nous montre bien comment dans le monde le mouvement n’est que la forme extérieure et superficielle dont se sert une fonction idéale. Si notre organisme ne consultait en quelque sorte que le mouvement, il devrait percevoir à distance, comme la lumière, la chaleur qui, par le mouvement, est presque identique à la lumière. Mais la sensibilité tient compte de la différence essentielle de fonctions beaucoup plus que de la ressemblance superficielle de mouvement. Il y a dans tout le système des perceptions une logique, ou mieux une métaphysique profonde. La lumière et le son, inutiles à la vie, et ayant une signification déterminée, indépendante de la vie, sont perçus dès lors en dehors de cet instrument de la vie qu’on appelle l’orga-