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organisme, non seulement de l’activité, du mouvement, mais de la substance. Il est bien vrai que les aliments introduits dans le corps n’y sont pas comme une pierre dans une muraille ; ils doivent développer une activité qui puisse être utilisée par les fonctions diverses de mouvement, de reproduction, de sensation, de pensée. Mais ces fonctions elles-mêmes supposent un substrat matériel ; l’aliment est dans l’organisme comme l’organisme lui-même, à la fois matière et force. La chaleur empêche l’organisme, en lui fournissant de l’énergie extérieure, de dépenser trop rapidement son énergie propre. Elle dispense, par conséquent, l’organisme de renouveler trop rapidement les matériaux où il puise son énergie. La chaleur n’est donc pas, dans l’état actuel de la vie, une nourriture ; mais on peut se demander : pourquoi donc l’état de la vie n’est-il point tel, que la chaleur suffise à nourrir les vivants ? Il y a en chimie dés combinaisons circulaires, c’est-à-dire qu’un composé chimique, après avoir donné naissance à une série de produits, se reconstitue et recommence indéfiniment cette sorte d’évolution en cercle. Pourquoi n’en est-il pas de même dans les phénomènes de la vie ? Pourquoi une certaine quantité d’énergie donnée avec une certaine quantité de matière ne suffit-elle point, renouvelée sans cesse et réparée du dehors par la lumière et la chaleur, à assurer les fonctions vitales ? Mais c’est tout le problème de la vie et de la mort qui est posé ainsi : problème immense, qui n’entre pas directement dans notre sujet. Quand bien même les êtres ne seraient pas obligés pour vivre de se dévorer les uns les autres, ils mourraient cependant de mort naturelle. La mort violente n’est qu’une des formes, un des cas particuliers de cette loi de la mort qui semble gouverner le monde.