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dante comme la lumière, tant qu’elle est unie à elle dans l’éther immense ; et dans la sphère matérielle elle subit la loi des corps. Et enfin l’électricité, inconnue dans l’éther sans orage représente, si l’on peut dire, le dernier degré de la chute. Il n’y a plus ici rayonnement inflexible et calme expansion, mais la liaison étrange et encore inexpliquée d’une force plus subtile et plus libre que la matière avec la matière. Et peut-être les grondements de l’orage ne sont-ils que les impatiences et les révoltes de la captivité. Qu’on me pardonne ces images plus mythologiques que scientifiques. Je suis convaincu avec Carlyle que lorsque les premiers hommes pensants voyaient dans les grands phénomènes de la nature des personnages distincts, ils étaient plus près de la vérité que le mécanisme qui ne verrait partout que des variations à peine différentes d’un thème uniforme. Il y a dans l’univers un élément dramatique ; il y a des rôles dans le monde ; et quand nous cherchons à définir la fonction métaphysique distincte qu’accomplissent dans l’être les forces diverses que la science ramène à une banale unité, nous n’entendons pas rompre avec la science qui d’ailleurs n’a rien à craindre ou à attendre de nous ; nous entendons seulement réconcilier, dans la conception de l’univers, le sens de l’unité et le sens de la vie.

Les êtres ne se nourrissent pas seulement de chaleur, ils se nourrissent encore d’éléments empruntés à d’autres vivants comme eux. Tous les aliments, par lesquels nous entretenons notre vie, sont des éléments de la vie végétale ou animale. Il n’y a que la vie qui nourrisse notre vie. Et quand nous avons dit, tout à l’heure, que la chaleur nourrissait les êtres, peut-être avons-nous forcé un peu le sens du mot. Nourrir, c’est fournir à un