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est éloigné, mais ils ne sentent pas la chaleur dans ce foyer comme ils y voient la lumière. Un foyer ardent envoie de la chaleur, un foyer lumineux est lumière. L’espace est plein de lumière, il n’est pas plein de chaleur ; et lorsque nous disons que le ciel est ardent, c’est simplement pour signifier qu’il brûle notre visage et nos mains, c’est aussi parce que nous appliquons à la chaleur, associée de la lumière, ce qui n’est vrai strictement que de la lumière. La chaleur, devant être utilisée comme un adjuvant par les activités internes des êtres, doit être accommodée au rythme de ces activités ; et, comme les mouvements de la matière pesante sont moins rapides que ceux de l’éther, ce sont, dans le rayon solaire décomposé par le prisme, les vibrations les plus lentes qui représentent la chaleur. Dans la chaleur, c’est donc l’éther qui s’accommode aux conditions de la matière. Dans la lumière, au contraire, quoiqu’il y ait union aussi de l’éther et de la matière, comme en témoignent les couleurs, c’est l’éther qui prédomine et qui impose sa loi. Voilà pourquoi une différence imperceptible de longueur d’onde dans le spectre suffit à marquer la distinction essentielle de la lumière et de la chaleur. À mesure qu’on descend vers les ondes les plus longues et les plus lentes, il vient un point où le rapport de subordination de la matière à l’éther se renverse. Dans tous les milieux, la lumière se propage avec la même rapidité ; la chaleur, au contraire, selon que les corps sont plus ou moins conducteurs, se propage en eux plus ou moins vite. Il semble que l’éther traverse trois degrés. Avec la lumière il est presque indépendant, et dans sa fonction et dans sa marche, de tous les êtres particuliers, de toutes les organisations matérielles ; à peine est-il dévié. La chaleur est indépen-