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organisations ; ou plutôt voilà pourquoi le monde, en toutes ses parties, est organisé, qu’il s’agisse de ces vastes ensembles de mouvements liés entre eux que nous appelons les systèmes stellaires, ou de ces systèmes de forces unies par de secrètes affinités qui constituent une combinaison chimique, ou des organismes vivants, ou enfin de ces hautes consciences qui aspirent à faire entrer l’univers entier dans leur unité. Toutes ces organisations n’existent point en vue d’un fin étrangère ; elles ne servent à rien qu’à elles-mêmes, ou du moins ce n’est point leur essence de servir à autre chose que soi ; elles sont leur but et leur raison à elles-mêmes, et comme elles ne se réalisent point par le concours tout extérieur d’éléments aveugles, mais par une aspiration intime, par un effort obscur ou conscient, mais spontané, vers la beauté et l’indépendance de la forme, elles ont en elles-mêmes non seulement leur fin, mais leur principe ; vraiment, elles sont ; et le monde trouve en elles, dans sa fuite éternelle et vaine, la fixité et l’existence. Ce n’est pas que ces organisations soient isolées les unes des autres et que le monde ne trouve l’être qu’en perdant l’unité, car, d’abord, il n’est pas un seul des phénomènes qui font partie de ces systèmes organisés qui ne fasse partie, en même temps, des séries causales et mécaniques et qui ne se rattache, par elles, à la totalité des phénomènes ; et puis, toutes ces organisations, à des degrés divers et sous des formes diverses, aspirent à la même fin : l’unité, la beauté, la liberté, la joie. Elles sont donc toutes liées entre elles et par le dehors et par le dedans, et par l’enchaînement extérieur et indéfini des séries causales, et par la communauté intime de la même fin supérieure et divine.

Voilà quelles sont, pour le monde, les conditions de